Souffrir pour apprendre [clos]

Maeya avait le cœur léger. Elle marchait tranquillement, sans vraiment se soucier de l’endroit où elle allait. En fait, elle aurait pu être sur le territoire du feu que ça ne l’aurait pas du tout déranger. Elle pensait à Plagio. Elle avait réussit à parler avec lui, et il avait été gentil. Se pouvait-il que d’autre mâle soient comme lui? Probablement… Et puis elle en avait marre d’être seule. Elle voulait parler à d’autres loups. Non, d’autres louves plus. Elle avait besoin de compagnie un peu. Et Plagio ne pouvait pas toujours être avec elle. Et puis il était isolé, et donc même s’il était du clan de l’eau, il ne pouvait pas vraiment lui présenter d’autres loups que ses patients, qui n’étaient pas vraiment en état de discuter lorsqu’ils venaient le voir…

Elle regarda donc autour d’elle, pour se situer un peu. Il y avait de la belle herbe tendre, le vent était doux, le soleil couchant éclairait la scène d’une lueur si magnifique… et à sa gauche, vers le soleil, il n’y avait pas de sol. C’était une immense falaise. De là, elle pouvait voir la plage, et la mer. C’était si joli. Elle s’arrêta, s’assis sur le sol et contempla le paysage. Rien ne pourrait venir la déranger. Même l’apparition d’un mâle ne lui ferait pas quitter cet endroit. Elle y amènerait Plagio un jour, il devait absolument voir le paysage de ce point d’observation. Et peut-être… Elle rougit à l’idée qu’elle avait eue. Non, elle n’était pas prête encore à être mère… Elle mit donc cela de côté, et pour se changer les idées, chanta.

- Comme du feu prenant sur de l’eau
Comme le vent soufflant sans ébouriffer la fourrure
Comme la pierre pourtant molle qui renvoie des reflets si beaux
Le temps s’arrête, le temps d’une griffure…

Elle aurait continué, mais quelque chose la força à s’arrêter. Se retournant, elle vit… un mâle. Un loup mâle, et ce n’était pas Plagio. Un léger effroi s’empara d’elle. Qu’avait-il l’intention de faire? Elle essaya de ne pas paraître effrayer alors qu’elle parlait.

- Le paysage est magnifique, n’est-ce pas?

Maeya ne parla pas. Urion avait raison. C’était si libérateur de hurler! Mais hurler avec Plagio? Elle lui proposerait peut-être… En attendant, elle sourit timidement au solitaire lorsqu’il lui lécha la joue et le regarda partir. Puis il se retourna et la regarda dans les yeux. Est-ce qu’il attendait qu’elle lui donne une réponse?

- Oui, vous avez raison. Mes émotions se sont vidées lorsque j’ai hurlé. Merci… Je le ferai avec Plagio…

Elle s’approcha et rendit timidement le coup de langue qu’Urion lui avait donné.

- Nous noue reverrons, je vous le promet. Et lorsque nous nous reverrons, j’espère pouvoir vous présenter mon compagnon.

Elle laissa son regard rivé dans le sien et lui fit un sourire tendre. Elle le trouvait très gentil, et voulait réellement le revoir un jour. Elle espérait aussi pouvoir trouver des informations sur l’odeur qu’elle pouvait sentir sur lui mais qui ne lui appartenait pas.

Maeya regarda le solitaire partir. Puis lorsqu’il fut hors de vue elle se tourna vers les dernières lueurs du jour. Lentement, la noirceur totale s’installa. Puis, venant de derrière elle, une autre lueur s’éleva. La lune. Elle la regarda fixement. Elle était si belle! Mais il n’y avait pas que ça. Maeya sentait quelque chose d’étrange. Comme si on lui peignait délicatement la fourrure. Elle regarda pour constater que les endroits de son corps qui avaient été atteints par les rayons de la lune avaient perdus leurs reflets bleutés! Sa fourrure avait été soigneusement lissée, délicatement peignée, et elle avait changée de couleur! Maintenant, elle était d’un blanc ivoire, qui luisait d’un éclat presque irréel dans la clarté de la lune au dessus de la louve. C’était si beau! C’était… magique. Elle aurait tant aimé que Plagio soit là pour la voir. Elle riva de nouveau son regard sur la lune. Elle avait tant envie de chanter…

Mais elle n’en eut pas l’occasion. Un hurlement sortit de sa gueule oui. Mais un hurlement de douleur. Ses yeux se brouillèrent de larmes et elle s’écroula au sol. Haletant péniblement, la gueule mi-ouverte, la langue traînant dans la poussière, du sang s’écoulant sur le sol, la louve pleura. Jamais elle n’avait eut si mal. Même lorsqu’elle avait été attaquée, elle n’avait pas eu le temps de sentir la douleur. Mais là, elle souffrait. Lentement, elle passa sa langue sur ses crocs, et s’arrêta alors qu’à l’endroit où elle aurait dû trouver sa canine gauche inférieur, il n’y avait rien. Un trou, du sang, rien de plus.

En attendant la voix d’Urion, Maeya se calma un peu. Il avait dû l’entendre et était revenu pour elle. Elle se retourna péniblement sur le ventre et releva faiblement la tête pour regarder le loup. Il cherchait la menace. Il ne la trouverait pas.

- Vous aviez raison, Urion. C’est la lune. Elle m’a peignée, et m’a rendu si belle… regarder ma fourrure, elle est si jolie! Mais… alors que je profitais du moment, la lune m’a arraché un croc. Cela fait si mal! Vous aviez raison, j’aurais dû vous écouter. Mais je ne l’ai pas fait… Pardonnez-moi.

Des larmes coulèrent sur ses joues. Elle s’en voulait tellement… Trop émerveillée par la beauté du paysage, elle n’avait pas voulu croire ce que le mâle lui disait. Et maintenant, elle avait dû en payer le prix. Elle essaya de se relever mais n’en eut pas la force. Elle tremblait encore tant cela faisait mal.

- Je n’avais jamais eu mal avant… Enfin si, mais jamais je n’avais souffert. Là, c’est si intense… Est-ce que ça va arrêter? Je veux pas sentir cela pour toujours, c’est trop atroce…

Elle chercha le regard d’Urion. Elle avait tant besoin de réconfort…

Maeya regarda Urion. Il était si gentil… Elle se calma. Il avait raison. Il valait mieux s’en aller avant que quelque chose de pire survienne. Elle lui sourit gentiment.

- Vous avez raison Urion. Partons…

Sans attendre, elle se mit en route. Elle avait peur de cet endroit maintenant, elle ne voulait pas y rester plus longtemps. Quand à la douleur, elle était soulagée de savoir que ça ne resterai pas pour toujours et que ça passerait. Même si plusieurs jours c’était long, elle s’y ferait… Elle se retourna vers le mâle.

- Je vous remercie, mais je crois que je devrais retourner voir mon compagnon. Il doit s’inquiéter de mon absence. J’espère que je vous reverrai un jour.

Elle se détourna et parti. Elle voulait revoir Plagio… Elle en avait de besoin.