Ombres fugitives et oubliées. [PV Cynder]

Ombres fugitives et oubliées. Silence morbide et pesant. Murmures inquiétants dans l'ombre de la nuit noire.
Sweenty marchait, le pas lent, tous les sens en éveil, alerte. La nuit, les prédateurs sortaient de leurs cachettes pour se lancer à la poursuite de leurs malheureuses proies insouciantes et inconscientes. Le sang coulait, un sourire satisfait sur leurs visages meurtriers et ils s'en allaient, repus de leurs sanglants festins, laissant là la carcasse en lambeaux de leur gibier.

Sweenty n'était pas différent de ses congénères. Et pour cause, lui aussi profitait de la tombée de la nuit pour chasser rongeurs et autres. Parfois même, il partait avec quelques membres de son clan pour s'attaquer aux meilleurs gibiers mais aussi aux plus dangereux. C'était la dure loi de la nature et personne n'allait à l'encontre de cela. Pas même lui, un des loups les plus pacifistes que le monde connaisse. Il tenait sûrement cela de son père. Le dernier souvenir qui restait de lui dans sa mémoire lui revint. Ô douloureux souvenir. Sweenty baissa la tête, son coeur se serra. Des images défilèrent sous ses yeux. Ce ne fut que sang, cri, atrocités, pleurs, douleur. Il revécut le moment qu'il avait vécu lors de son enfance.
Sweenty s'écoula. Il ferma les yeux et se laissa submerger par ce souvenir qui attendait depuis si longtemps de refaire surface. Il n'entendait plus rien, il voyait juste. Et c'en était assez. C'en était trop. Qu'on arrête ce supplice, qu'on mette fin à cette horreur. La disparition de son père, sa mort supposée... Puis sa propre errance à travers différents territoires en quête d'une nouvelle « famille ».
Sweenty se recroquevilla. Que lui arrivait-il ? C'était sûrement, oui, ce que l'on appelait l'amour d'un fils pour son père. Son père défunt. Il y a des êtres que la mort nous prend et ne nous rends pas. C'est triste. Exécrable mort. Il tomba dans un profond sommeil agité.

Sweenty ne se réveilla que bien plus tard. Il faisait toujours nuit. Encore remué, il se remit en route. Il se concentra sur le paysage. La mort ne s'explique pas. Pourquoi se torturer l'esprit ? Il le faisait par amour, par devoir de mémoire. Mais ça ne servait à rien.
Un château se dessina devant ses yeux, encore lointain. Flou. A mesure qu'il approchait, ses contours devinrent plus nets. Il était, en partie, en ruine. Sweenty continua d'avancer. Bien qu'il vienne tout juste de dormir, il était toujours tiraillé par la fatigue.

Il pénétra dans le château et s'arrêta. Il balaya l'endroit du regard. Une ambiance peu rassurante. Un silence total, dans la nuit noire que seul sa respiration lente venait ponctuer par intervalles réguliers.

« Quel endroit... » pensa t-il en frissonant. Il se remite ensuite en marche, prêt à visiter cet endroit lugubre où planait une atmosphère pour le moins étrange. Il ne serait pas étonnant que ce château cache un secret que seuls les membres du clan de l'Air connaîtraient...

Ce lugubre château cachait à coup sûr un mystère que seuls les membres du clan de l'Air, qui devaient avoir l'habitude de venir ici, connaissaient. Mais Sweenty, désireux de s'aventurer au plus profond des ruines de château, était persuadé qu'il découvrirait le secret qui s'y trouvait. Si secret il y avait, bien sûr.

Sweenty s'avança, silencieux, sur la pointe de ses pattes. Son coeur battait à tout rompre et le sang palpitait dans ses tempes. Il reconaissait, au fond de lui, qu'il éprouvait un sentiment d'inquiétude, voire même de peur. Tout cela ne le rassurait guère. Et pour cause : la porte d'entrée s'ouvrit devant lui, sans qu'il ne lui ait rien demandé. Premier mystère. Qui avait actionné cette porte ? Elle ne pouvait pas s'ouvrir toute seule, non... Le beau blanc en était persuadé, et cela le rassurait quelque peu. Il ne devait pas être seul, donc. Mais la pensée que ce château en partie en ruines pouvait être hanté le prit soudain à la gorge, l'étouffa. Il réprima un frisson. Un courant d'air glacé venant de derrière lui le poussa à entrer dans la salle suivante.

Elle était remplie de gargouilles plus laides les unes que les autres. La première qui attira son attention était en forme de dragon aux yeux luisants. Sweenty fit un bond de quelques mètres en arrière. Depuis quand les gargouilles avaient des yeux ? Des vrais ! Il fit volte-face, voulant ressortir de cet endroit terrifiant et surprenant à la fois, mais la porte se referma au même moment dans un grinçement. Il n'était pas assez fou pour tenter, malgré tout, de se jeter dessus la tête la première. Il chercherait une autre issue, tant pis. Il devait bien y avoir un moyen de sortir de cette maudite salle.

Son sang se glaça soudainement. Il sentait un souffle dans son cou. Lentement, il se retourna et... Ô stupeur. Une louve planait dans les airs, quelques mètres au-dessus de lui. Totalement chamboulé, retourné, il ne réalisait même pas. De cette façon, elle ressemblait à un fantôme. Sweenty aurait voulu s'enfuir en courant, ne plus revenir ici, oublier cette aventure qui tournait déjà mal. Mais non. Il était bloqué ici. En compagnie d'une louve qui volait, qui plus est. Celle-ci se mit à lui parler, ne remarquant peut-être même pas son état d'hébétement.

« Que fais-tu ici ? Ah! Moi c'est Cynder et vous ? Vous voulez visiter le château, je peux vous aider, je suis bêta donc je connais parfaitement les lieux. »

Telles furent, ainsi donc, les paroles de la louve bêta. Elle devait sûrement appartenir à la meute de l'Air, ce qui expliquait par ailleurs son pouvoir. Sweenty poussa un long soupir de soulagement. Fini le cauchemar, il était entre de bonnes mains à présent.

« Ah, bonjour ! Oui... Je... Je veux bien. J'aurais voulu sortir mais la porte s'est fermée derrière moi. Je me nomme Sweenty, je fais partie du clan de l'Eau. »

Il suivit la louve qui se dirigeait vers une porte abîmée et pendante sur ses gonds. La porte s'ouvrit face à elle et une série de marches apparut. Sweenty s'arrêta devant l'escalier. La louve eut la même pensée que lui...

« C'est pas possible ! Ils ont mis 1 000 marches ou quoi ? »

Sweenty esquissa un sourire gêné. Est-ce que ces escaliers menaient à la sortie ou... ? Parce que lui, la seule chose qu'il désirait, c'était de sortir ici au plus vite. Explorer ce lugubre château ne le tentait pas pour le moins du monde.

« Où allons-nous ? » quémanda t-il en évitant tant bien que mal les lianes qui peuplaient l'escalier.